jeudi 7 octobre 2010

Les questions du néophyte

L'aïkido ? Je crois qu'on pratique avec des bâtons ?

La pratique des armes est une composante de l'aïkido : bâton (Jo), sabre en bois (Bokken) ou couteau en bois (tanto) sont autant d'outils pédagogiques pour travailler les bases de la discipline (distance, centre, etc). Attention ! il ne s'agit pas de disciplines complémentaires telles que le Aïdo, Jodo, etc. Les techniques d'Aïkido sont des projections, des contrôles ou des immobilisations qui sont effectuées en utilisant la force de l'autre.

Bien que toutes les techniques ne soient que les différentes formes d'un principe unique, elles sont répertoriées pour faciliter l'étude. Le "catalogue" comporte environ 300 formes qui incluent les diverses attaques ( par devant, par derrière, saisies poignets, revers, épaule, coup de point, de pied, etc...) On peut pratiquer à mains nues avec un ou plusieurs adversaires armé(s) ou non, les deux partenaires pouvant être debout, à genoux ou encore l'un debout et l'autre à genoux.

L'étude de techniques de respiration et de concentration, d'étirements et de massages fait partie de l'apprentissage de l'Aïkido

Est ce que l'aïkido est efficace ?

D'une façon générale, les techniques d'aïkido ont démontré leur efficacité. Le pratiquant durant les premiers mois a un grand souci : l'efficacité. Il veut tester une technique, sa propre force, etc.… Cette situation peut être dangereuse : Les différents mouvements mettent en jeu les articulations, le pratiquant projeté participe souvent en partie à la chute, seule issue possible pour éviter le traumatisme de l'articulation visée (ce qui peut parfois donner l'illusion de complaisance) . Ce type de situation entre un pratiquant peu expérimenté (quelques années ou moins) et un néophyte peut être source de blessure.

Si ces interrogations peuvent être légitimes au départ, il ne faut en aucun cas qu'elles " s'installent " car c'est une absurdité en aïkido où l'on ne va pas contre la force de l'autre. Ce type de comportement répété est incompatible avec la pratique de l'aïkido.

Quelle est la différence avec le judo, le karaté ou d'autres arts martiaux ?

Si l'on évoque sous les termes judo, karaté, (…), les formes compétitives qui sont de très loin les plus répandues, on peut dire qu'il n'y a strictement aucun rapport : les objectifs sont diamétralement opposés.

La compétition n'a aucun sens dans l'art martial : les techniques s'appauvrissent (beaucoup ne sont plus utilisées, parce que dangereuses en compétition), la préparation physique et musculaire devient la principale occupation du compétiteur (avec toutes les dérives actuelles).

Dans l'aïkido la compétition est exclue : Chacun peut donc se conformer à ses possibilités physiques propres, le but étant précisément de mieux les connaître.

Par contre il existe des formes de judo ou de karaté-do restés traditionnelles, là ce n'est qu'affaire de goût. Chaque art se distingue notamment par ses stratégies employées : positions de garde, distance de travail (très courte pour le judo, éloignée pour le karaté, etc.)

L'aïkido est-il un art de défense ?

Aspect technique

Dire que l'aïkido est un art de défense relève d'une connaissance très superficielle de la discipline. Attaquer, parer, contrer, c'est à dire apprendre à arriver avant l'adversaire bien que parti après lui. Ce schéma correspond à des techniques de self défense. Les premiers pas en aïkido se font de cette manière : l'adversaire nous met dans une situation difficile, nous cherchons à nous en sortir.

La seconde étape en aïkido consiste à prévoir comment l'adversaire va attaquer mais l'initiative de l'attaque, même devinée reste à l'adversaire.

L'aïkido, à haut niveau, va encore plus loin : l'adversaire n'a aucune initiative, avant qu'il ait pensé à attaquer, il est déjà contrôlé. Ce qui faisait dire à M UESHIBA " Je ne suis jamais battu, quelle que soit la vitesse d'attaque de l'ennemi. Ce n'est pas parce que ma technique est plus rapide que la sienne. Ce n'est pas une question de vitesse. Le combat est terminé avant d'avoir commencé " .

Le "DO", la voie, l'art de vivre.

Il faut garder à l'esprit que l'étude de l'aïkido ne se limite pas à l'étude de techniques martiales. L'aïkido constitue une discipline martiale originale dont la pratique tend à bâtir des hommes, des femmes et des enfants (bonjour Maryline ...) responsables, armés pour faire face aux difficultés de la vie quotidienne et capables de résoudre celles-ci positivement, sans apport de violence ou de destruction, par une subtile transformation de l'adversité.


mercredi 30 juin 2010

Aïkido, Voie difficile ...

Aïkido, Voie difficile ...

... ou logique d’un abandon progressif

Après l’enthousiasme des premiers cours, l’effet euphorique des premiers pas s’efface. La découverte des premières techniques annonce déjà une route longue, voire difficile. Il ne faut pas se cacher la face : la formation d’un budoka passe par l’apprentissage et l'expérimentation durant de nombreuses années, et ceux qui ont cru aux exploits de « Miagi Sensei », dans « Karaté Kid », propulsant un jeune néophyte au rang de champion en une saison, se mettent deux doigts dans l’œil. La route, si vous la suivez, vous mènera plus loin, plus tard. Elle est aussi semée d’embûches dont certains ne se relèveront pas. Il faudra être patient et persévérant. Vous découragez ?! Non, au contraire. Relativisons...

Les anciennes écoles (Dojo) accueillaient des élèves internes qui pratiquaient de manières intensives. En l’espace d’un peu plus d'un mois et ils arrivaient facilement à un quota d’heures que certains ne totaliseront à peine en une saison (2 x 1h30 x 33 semaines = 100 heures environ).

Si l’on se réfère à la progression KYU (grades ou niveaux avant les ceintures noires), le temps minimum pour accéder au shodan (1ère DAN) est d’environ 4 saisons, bien qu’il ne soit demandé pour cet examen que 3 timbres de licences. Il y est précisé que ces temps sont des minima réglementaires et qu’il faudra en moyenne les multiplier par 2.

Soit 3 x 2 = 6 années - donc une progression au rythme d’un grade KYU par saison.

Pratiquer de manière assidue

Les acquis se font progressivement, au rythme de chacun, selon d’âge, la motivation et la condition physique du pratiquant (phase 1).

La progression atteint un premier palier où l’on pourra constater une « certaine régression ». C’est une étape naturelle dans le processus de l’apprentissage. Elle correspond à une phase de « digestion » et on peut la comparer à l’adolescent qui subitement grandit d’une bonne quinzaine de centimètres et doit prendre de nouveaux repères dans un corps en pleine mutation. (Serait-ce là le support physique de la crise d’adolescence ?).

Bon ! Vous voilà en pleine crise, vous perdez vos repères, vous avez du mal à exécuter certaines techniques qui vous semblaient acquises (et c’était un leurre, d’ailleurs). En bref vous déprimez. En perdant le plaisir de la pratique et en voyant les « nouveaux » en pleine réussite de la phase 1, votre motivation s’envole et vous vous trouvez des tas de très bonnes et valables excuses vous convainquant que vous êtes contraint de sécher les cours ou que vous avez bien mieux à faire.

C’est lors de cette étape (phase 2) que beaucoup quittent les dojos, et souvent de manière définitive.

Vous avez franchi le cap et vous voilà remontant la pente qui, après coup, n’était pas si terrible (phase 3). Vous progressez et vous êtes engagé sur la voie Aïki. Le port de l’Hakama y symbolise votre engagement. Il faudra être assidu pour s’avancer vers le Shodan.

Voir toujours un peu plus loin

Si vous vous fixez des objectifs comme « arriver au niveau Shodan » ou encore « porter l’Hakama » sans voir un peu plus loin, vous aurez de grande chance d’arrêter d’être assidu une fois votre objectif atteint. Si vous vous fixez un objectif trop éloigné ou irréalisable vous aurez de grande chance de vous démotiver totalement. Si vous êtes trop pressé, votre impatience vous jouera des tours. Profitez du voyage, appréciez le temps présent, laissez-vous porter vers la prochaine étape. Le phénomène de régression peut se répéter comme de multiples vagues d’intensité de plus en plus faible. Mais leurs écumes laisseront s’échouer çà et là encore quelques démotivés.

Pour ceux qui reprennent après un arrêt conséquent, rien n’est simple. Avant tout parce que le niveau, dit niveau de rétention est plus faible. Le corps en l’absence d’exercices physiques réguliers s’est affaibli aussi. Il faut accepter d’être moins qu’avant, d’avoir été dépassé par certains que l’on a vu naître, crever l’illusion que l’on est encore alors que l’on n’est plus. En bref, plein de claques en perspective c’est dur, dur pour l’Ego.

Les phénomènes décrits sont vrais, et je m’excuse de toutes les ressemblances avec des personnes ayant vécues ces expériences.

Pour elles, comme pour tous, une seule issue : Pratiquer de manière régulière.

  • Etre régulier : c’est venir toutes les semaines.
  • Etre assidu : c’est laisser de côté les problèmes de tous les jours pendant la pratique

Bien sur on peut rater un cours, avoir un empêchement. Seuls les empêchements réguliers porteront atteinte à votre régularité.

Pratiquer à son rythme

Respecter sa condition physique est un premier élément si l’on veut pratiquer longtemps, mais faire en sorte que l’on accède à un rythme supérieur, c’est s’améliorer progressivement.

C’est SHIN, GI, TAI : l’Esprit, la Technique, le Corps.

Lorsqu’on est jeune Taï est fort, GI se travaille et SHIN est souvent insouciant. Vers la quarantaine un équilibre subtil s’opère, c’est peut-être la force de l’âge. En vieillissant TAI s’affaiblit, mais GI est fort et avec SHIN transcendent TAI. L’équilibre SHIN GI TAI permet de s’améliorer à tout âge.

Cependant si vous commercer tard, demander conseil à votre médecin. Un test d’effort pour permettre de vous situer. N’essayer pas de vouloir rattraper le « temps perdu », soyez patient.

Expérimenter sa pratique

L’Aïkido peut être pratiquer de manière très différente selon la sensibilité du professeur. Parfois on rencontre, lors de stages, des personnes qui pratiquent un « autre Aïki » et on peut avoir du mal à s’exprimer ensemble.

Pourtant ces stages sont l’occasion d’approcher de haut-gradés et de rencontrer des Aïkidokas en dehors du cocon douillet du club. Ces expériences sont enrichissantes. Votre professeur vous indiquera les stages les plus appropriés dans les premières étapes de votre progression. Un certain nombre de stages (organisés par la Ligue) sont d’ailleurs nécessaires pour l’inscription à l’examen de grade Dan.

La proximité des clubs permet aux plus motivés de pratiquer de manière assidue et quasi-journalière. Cette possibilité est un atout permettant une 3ème voir une 4ème séance hebdomadaire. La voir comme un « joker », (se dire : je n’y vais pas ce soir, j’irai demain) est une grave erreur qui ébranle la régularité de votre « SHIN ».

Pour ceux qui n’ont la possibilité que d’une seule séance hebdomadaire, la rigueur de la régularité est indispensable car dans le cas contraire vous tenterez de maintenir un niveau qui vous échappera malgré vous. En connaissance de causes, vous êtes seuls responsables de vos choix. Mais chacun est libre et personne ne vous en tiendra rigueur.

Ma volonté est d’entretenir votre enthousiasme, d’accroître votre motivation. Le plaisir de la pratique est à lui seul une source d’énergie intarissable que je souhaite partager avec tous et le plus longtemps possible.

Marc Senzier 4° dan Aïkido UFA-FFAAA et 2° dan Iaïdo CNK-FFJDA - école Aïki-Ryu